Il y a quelques années, à la fin d’une conférence que je donnais à Webster University (Saint-Louis, Missouri) à propos de ce qu’apportait une histoire de l’installation et des affaires commerciales de Ferdinand Rozier et Firmin Desloge dans le Missouri, un homme est venu me voir pour me tendre un daguerréotype.
J’ai eu le temps de prendre en photo, rapidement, avec mon téléphone, les deux faces de l’objet et l’homme est reparti avant même que je puisse en apprendre plus et alors que quelqu’un d’autre me sollicitait. Il me reste donc cette mise en abyme : un daguerréotype sur lequel Firmin Desloge est parasité par le reflet de la chercheuse qui enquête sur lui. Mais avec, au dos, cette annotation extraordinaire :
« Firmin Desloge sent to France in 1845. Uncle Charles Desloge gave it to me at his own house in 1888. Taken in Philadephia”.
Deux événements se télescopent donc. D’une part un envoi de 1845, confirmé par la correspondance familiale : Prudent Crouan, beau-frère de Firmin puisqu’il a épousé en 1831 sa sœur Louise, rapporte doublement la réception du portrait, dans deux lettres du 10 janvier puis du 23 mars 1846 [1]. On apprend incidemment que Firmin avait également envoyé un chapeau que Prudent supposait être en peau venue de l’Oregon où il imaginait des migrants en masse, enthousiaste qu’il était devant la dynamique conquérante des États-Unis. D’autre part, en 1888, un mariage dans la partie française de la famille occasionne de rares retrouvailles. Firmin est mort dans le Missouri en 1856 sans être retourné dans la France quittée en 1822 mais un de ses enfants au-moins était donc à Nantes en 1888 et Charles, un des frères de Firmin – et qui d’ailleurs, pour sa part, dirigeait en 1845 un réseau de boulangeries au Brésil – lui a remis le daguerréotype. Et celui-ci a donc franchi l’Atlantique une deuxième fois, jusque Philadelphie. Son retour dans le Missouri au début du XXIe siècle m’est évidemment, en revanche, mystérieux.
Peut-être que publier ce billet occasionnera un miracle et que et celui qui m’a montré l’objet se fera connaître… après tout un descendant de Ferdinand Rozier m’a bien contactée par ce biais. Ce serait l’occasion d’avoir des explications supplémentaires et d’obtenir une meilleure reproduction. Mais en attendant cet improbable événement, il est grand temps que je me penche plus sérieusement sur l’objet, sa production, sa forme et sa signification transtlantique.
[1] Missouri Historical Society, Joseph Desloges collection, Box 2. Correspondance, vol. 5, Prudent Crouan à Firmin Deloge, 10 janvier et 23 mars 1846.
OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
Soazig Villerbu (13 novembre 2022). Le daguerréotype de Firmin Desloge. Nouvelles du corridor créole. Consulté le 19 avril 2025 à l’adresse https://doi.org/10.58079/n6i2